jeudi 16 janvier 2014

1930 : L'Amour dans les prisons, reportage



Publié en 1930 aux Éditions Montaigne.
228 pages.

En exergue, sur la première de couverture, une citation de H. Donnedieu de Fabre, Professeur à la Faculté de Droit de Paris (La Justice Pénale d'aujourd'hui) : « Il est notoire que cette promiscuité n'a pas seulement permis, mais imposé des mœurs infâmes à ceux-là même qui ne les ont subies, d'abord, qu'avec dégoût. Il est notoire que, dans les cages, d'étranges scènes de jalousie suivies de meurtre ont eu lieu. »

Lettre-préface de Maître Théodore Valensi.


Table des matières :

Lettre-préface de Maître Théodore Valensi
En guise de présentation
CHAPITRE PREMIER : L'heure de la visite
CHAPITRE II : La filière dans les prisons d'hommes
         Fresnes
         La Santé
         Quelques prisons de province
         Types : le père de famille, les jeunes, l'homme du milieu, le Mouton
         La cigarette
         La progression sexuelle. Premier stage : imagination, les peintres, les graffitti, l'argot, les poètes, les actifs
         Deuxième stage : Tristesse
         Troisième stage : Homosexualité
         Lettres d'amour
         Histoires d'amour ou un drôle d'Abélard
CHAPITRE III : Dans les prisons de femmes
CHAPITRE IV : Prisons d'enfants
CHAPITRE V : Au bagne
CHAPITRE VI : Conclusion

Le livre et la critique :


? in L'Oeil de Paris n°113 du 3 janvier 1931, p. 8 :

Tandis que sort une réédition du Traité de la Concupiscence, de Bossuet, Mme Maryse Choisy, de plus en plus intrépide, publie l'Amour dans les Prisons. Voilà de quoi nous esbaudir.
… Mais les lecteurs du grand évêque seront déçus. Son traité est fort austère et ne correspond en rien à ce titre alléchant, que lui imposa un éditeur avisé de l'an de grâce 1731. Ce qui prouve qu'au XVIIIe siècle, on s'y entendait déjà très bien pour exciter les chalands.
Quant aux amateurs de Mme Choisy, ils en auront pour leur argent. La dame est sans peur et son enquête n'est pas à l'usage du Dauphin.

Claude-Fayard in La Semaine à Paris, 16 janvier 1931, p. 76-77 :

Maryse Choisy, une femme étonnante et très calée. Qui mieux qu'elle pourrait parler de la métaphysique hindoue – pour ne citer qu'une face de sa science. Comment du vrai savoir en est-elle arrivée à ce gay savoir qui est le titre d'une collection des Éditions Montaigne ? Collection qui comprend Les Aphrodisiaques, de Willy, et qui a publié, de Maryse Choisy, son fameux Un mois chez les Filles et est actuel L'AMOUR DANS LES PRISONS. Le savoir, la vraie culture de Maryse Choisy, tout cela bagage encombrant, inutile. Seule, isolée, il lui fallait percer, monter. Et surtout vivre. On lui a demandé çà ; elle a fait ça. Çà, c'est ce Mois chez les Filles, c'est ce Mois chez les Moines du Mont-Athos et c'est aujourd'hui L'Amour dans les Prisons. Gros scandale, mais gros succès. Gros coup de caisse, qui doit l'empêcher de s'entendre elle-même. Maryse Choisy est désormais classée dans les auteurs pornographes – ou tout au moins scabreux. C'est dommage car la clientèle qui achète ses livres pour les mots crus, pour les détails curieux, n'apprécie guère ce style sûr, direct et vraiment original. Pour ma part, je suis navrée de lui voir galvauder un talent certain au service de sujet scabreux – qu'elle s'oblige à traiter scabreusement.
Maryse Choisy, auteur pornographe ? Allons donc ! Elle garde, malgré son cynisme affecté, une hauteur de ton, un style précis et surtout une touchante naïveté. Le mot cru, parce qu'il est trop cru, sent la néophyte. Parlant avec elle, il n'est besoin que de quelques minutes pour dépister en elle la femme honnête qui cherche à s'encanailler. Henri Béraud a parlé du Flâneur salarié. Admettons que cette courageuse femme ne soit qu'une pornographe salariée et faisons-lui confiance pour d'autres œuvres. Maryse Choisy, je n'aime pas vos livres qui sont bêtement et inutilement sales. Je ne crois d'ailleurs pas à votre cynisme et j'attends l'éditeur qui vous laissera faire votre livre.

Paul Martignon in L'Archer n°2, février 1931, p.286 :

Mme Maryse Choisy a acquis une célébrité de reporter par ses deux livres « Un mois chez les Filles, Un Mois chez les Hommes ». Aujourd'hui elle nous livre une étude sur L'Amour dans les Prisons (Éditions Montaigne, 13, quai de Conti). Hâtons-nous de dire que ce n'est pas pour jeunes filles et que ces pages relèveraient plutôt du domaine cher à notre sympathique Directeur et ami Paul Voivenel.
Il y a dans ces pages un peu fortes et audacieuses surtout une grande détresse et une grande pitié. Mme Maryse Choisy s'est penchée sur des douleurs et des désirs inassouvis ou presque.
Pour perfectionner les êtres, pour se perfectionner soi-même, il faut aimer les êtres malgré eux. L'amour a ceci de sublime, ajoute-t-elle, qu'il aimante tous ceux qui s'approchent de son foyer central. Aucune prière, aucun cri d'amour, ne sont perdus dans l'espace.

Germain de Perdiguier in La France Judiciaire n°16, 15 mars 1931, p.V :

Mme Maryse Choisy a élargi son sujet en étudiant l'amour dans les prisons aussi bien chez les hommes que chez les femmes ; son livre est d'une cruauté, d'un cynisme effarants ; certaines lignes feignent d'être caviardées et l'on regrette parfois qu'il n'en soit pas ainsi pour la presque totalité du volume.

Ernest Reynaud in Mercure de France n°799, 1er octobre 1931, pp.167-169 :

De ces trois livres, qui ont pour objet de nous initier aux pratiques et aux secrets de la vie pénitentiaire, je ne citerai que pour mémoire celui de Mme Maryse Choisy : l'Amour dans les prisons, parce qu'elle m'y semble faire la part trop belle à la fantaisie et à l'imagination. Elle entreprend de nous conter comment l'Amour se pratique à Fresne, à la Santé, à la Petite-Roquette, à l’École de préservation de Montpellier, à la maison d'arrêt de Saint-Lazare, à celle de Versailles, et nous en déroule les jeux avec une malice amusée qui lui fait lâcher la proie pour l'ombre. Tout n'est pas roucoulements dans l'existence des détenus. D'ailleurs, bien que Me Valensi, son préfacier, nous affirme que Mme Maryse Choisy a réellement visité ces geôles, où elle aurait « apporté aux condamnés, soudainement éblouis, une vivifiante clarté », j'imagine qu'elle a surtout utilisé des confidences de détenus. Comment lui eût-il été permis de s'introduire, notamment, dans les prisons d'hommes plus avant qu'au parloir ? Elle nous parle avec autant d'assurance de ce qui se passe au bagne, où il est bien évident qu'elle n'est jamais allée. C'est donc abusivement que l'on pourrait qualifier son livre de « reportage », et ce qui suffirait à me faire douter de la sûreté de sa documentation, c'est qu'elle soutient qu'à deux exceptions près (Saint-Lazare et la Petite-Roquette d'ailleurs vouées à une démolition prochaine) « le système pénitentiaire français est l'un des meilleurs du monde ».
[...]
Sans doute, tous les directeurs de prisons ne sont pas des ogres, mais il en est qui lâchent trop la bride à leurs subordonnés, et M. Boucard nous en cite un, à Saint-Lazare, qui poussait l'oubli de toute dignité jusqu'à prélever le droit de jambage sur ses justiciables et organiser, avec elles, des Saturnales dans son cabinet.
Voilà un détail que Mme Maryse Choisy, obsédée d'érotologie, ne se consolera pas d'avoir ignoré, de même que cet autre qui, si réprouvé qu'il puisse être par les moralistes austères, apporte dans le livre si noir et si oppressant de M. Robert Boucard un peu d'air respirable, et qui en est le seul rayon de soleil, encore que la scène se passe dans un décor drapé de nuit, mais d'une nuit digne d'être célébrée en vers païens.


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